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mardi 12 février 2013


ACADEMIE DE GUYANE : L’ANALYSE 2012



Interview de Maurice PINDARD (STEG-UTG, Saint-Laurent) par JOAN Gillespour  idealguyane.com


Maurice Pindard globalement comment jugez-vous le déroulement de cette année d’étude en Guyane ?
 Une certaine routine s’installe dans le déroulement des années scolaires en Guyane. Les parents et les enseignants font leur possible face à une institution qui est en décalage par rapport au développement personnel des enfants. Par exemple tout le monde sait que les élèves ont de grosses difficultés en Français, langue de l’institution, cependant on continue d’enseigner la langue de Molière comme on l’enseigne à Paris. Toutes les innovations et dispositifs spécifiques se font à la marge, à titre d’expériences.
Qu’est-ce qui a changé depuis le combat et l’obtention du rectorat ?
La création du rectorat de la Guyane a été arrachée par la lutte des lycéens et de la population en général, en novembre 1996.  L’institution scolaire, le Recteur, est maintenant basé en Guyane et non plus en Martinique comme au temps de l’académie Antilles-Guyane. Les acteurs de l’Education ont un interlocuteur sur place. Cependant, les problèmes de la Guyane sont tellement liés  à sa condition de colonie française que les problèmes de fond demeurent. Près de 8 000 enfants non scolarisés, des rythmes scolaires, des structures éducatives et des programmes inadaptés à notre pays et des équipes pédagogiques trop exogènes et instables.
Maurice Pindard est-ce que l’orientation de nos étudiants est conforme aux besoins de notre pays ?
 La grande difficulté est l’information de nos étudiants. Beaucoup ne sont pas informés des possibilités qui s’ouvrent. Puis c’est l’insertion des diplômés dans le tissu économique avec des entreprises qui ne jouent pas, toutes, le jeu, en termes d’emploi et de rémunération. Il y a des initiatives de la Région, du Conseil Général, mais nous ne sommes pas encore à un plan concerté d’orientation des étudiants selon les besoins et potentialités du pays. Reste le mirage des grands pays européens, France, canada, Etats unis, dans lesquels une partie des familles préfère y installer leur progéniture.
 Une série broderie existe au lycée professionnel de Mana. Est-ce sérieux ?
La réponse facile serait de dire que cela ne correspond pas aux nécessités  actuelles de développement de notre pays. Et tant qu’il n’y aura pas de plan global de définition et de priorités des filières, ce sera au coup par coup, selon les intérêts ou les idées de tel ou tel membre de la communauté éducative. Dans le cas particulier de la broderie à Mana, elle est le prolongement de l’implantation dans ce lycée de la filière couture qui était il y a 3 ans au lycée Juminer de St Laurent. Cela se passe dans une région où l’on pratique la broderie traditionnellement sur pangis (pagnes). Certains ont pu penser que la création de la spécialisation broderie était un choix pertinent. La question est : « où vont travailler les jeunes titulaires du Cap broderie ? » et dans la mesure où ils voudraient créer leur propre atelier qu’est ce qui est prévu pour les accompagner afin qu’ils réussissent dans leur entreprise.
 Alors quelles sont vos réactions sur les résultats tant des collèges que des lycées ?
 Nous sommes dans les 70% au bac général et au Brevet. 60% pour le bac professionnel et 50% pour le bac technologique. On peut disserter sur ces résultats, ils sont de toutes façons insuffisants. Mais le plus important est le nombre de diplômés dans une classe d’âge, par exemple sur 100 élèves qui entre en 6ème,  et le nombre d’enfants  qui sortent du système sans qualification. On se rend compte alors de la véritable portée de l’école. Nos chiffres sont désastreux. Et, en plus de la discrimination sociale, il y a discrimination géographique et en conséquence communautaire.
Des voix s’élèvent régulièrement pour dénoncer l’exclusion des enfants par une société deux fois injuste mais le combat de fond pour changer l’école n’a pas encore commencé.