Monsieur le Président,
Nous avons pris connaissance de votre
programme et en particulier les parties concernant la jeunesse et les questions
scolaires, qui nous intéressent au premier chef en tant que Syndicat des
travailleurs de l’éducation de Guyane.
Nous y
avons trouvé des axes que nous ne pouvons que partager, comme tous les
observateurs et acteurs de notre système éducatif. A présent que vous avez été
élu à la tête de la CTG, collectivité concentrant de nombreuses prérogatives
économiques, sociales, culturelles, éducatives, de formation, nous aimerions
connaître les actions qui vont être menées, et vous soumettre nos propositions
face à l’état d’urgence dans lequel se trouve notre jeunesse, et à travers
elle, la Guyane dans son ensemble.
· Réintégrer nos jeunes en situation d’exclusion, pour leur redonner de
l’espoir en l’avenir ; leur réapprendre les savoirs, le bien-vivre en
société ; recréer du lien familial et social, les former, et leur donner
un emploi afin qu’ils puissent s’épanouir et être fiers de leur réussite
C’est
effectivement la base. Pourtant, cet espoir ne pourra se réaliser qu’à travers
des politiques volontaristes favorisant la création d’emplois, ainsi
qu’à travers des investissements importants dans le système éducatif.
Qu’allez-vous faire contre le chômage de masse et le manque de qualifications
qui plombe l’avenir d’une partie conséquente de la jeunesse ?
Pour sa part, le
STEG-UTG s’est prononcé il y a quelques derniers mois en faveur d’un
élargissement du service civique, permettant à tous les jeunes majeurs sans
travail ni formation de s’inscrire dans une activité, de sortir de leur
quartier ou commune et de participer à des chantiers, des activités utiles au
développement du territoire. Ce dispositif reprendrait donc des
caractéristiques du service national qui existait auparavant, mais sa mise en
œuvre s’appuierait sur le tissu social, culturel et économique, sous le
pilotage de la CTG.
Enfin, une mesure immédiate
qui semble évidente à de nombreux acteurs de terrain, serait de faire
respecter l’interdiction de vente d’alcool à proximité des établissements,
ainsi d’ailleurs que les affichages publicitaires pour l’alcool.
· Renforcer les dispositifs de soutien scolaire, en partenariat avec les
associations, le monde éducatif et le monde médical, afin d’accroître la
réussite de nos enfants sur l’ensemble du territoire et prévenir de manière
efficace et précoce le décrochage scolaire,
Effectivement. Les
Vies scolaires ont été précarisées par des contrats de plus en plus courts et
mal payés, alors qu’elles représentent un relais indispensable dans les
établissements du secondaire. Elles permettent également à de nombreux jeunes adultes
de se tourner vers les métiers de l’éducation,
mais le turn-over et l’absence de formation nuisent au service et
empêche la constitution d’un vivier pour recruter les futurs enseignants
guyanais.
Aussi le STEG-UTG
est-il favorable à la création d’un corps de personnels de Vie scolaire et
d’accompagnement éducatif, incluant les Intervenants en langue maternelle
(ILM) dont le nombre devrait être fortement augmenté afin de donner
véritablement leurs chances aux enfants des communes guyanaises.
Enfin, nous sommes
favorables à une forte augmentation des personnels d’accompagnement :
de trop nombreux établissements, accueillant des élèves en situation de
précarité, ne bénéficient de la présence d’une infirmière, d’une assistante
sociale ou d’une COPSY que quelques heures par semaine, voire moins dans le
primaire.
· Faire de l’Université de Guyane un pôle d’excellence dans le bassin
amazonien, en orientant l’université vers la mise en valeur de nos ressources
naturelles et des ressources du 21ème siècle (numérique, e-technologie
etc. ) et en accompagnant l’installation d’antennes de Grandes écoles
françaises (Ecole des mines, Ecole Nationale du génie rural des eaux et des
forêts, etc…)
L’excellence est un objectif louable.
Il est également indispensable que l’Université soit pleinement insérée dans le
tissu économique local pour répondre aux enjeux actuels de l’insertion
professionnelle et préparer l’évolution de notre société au regard des défis
internationaux qui sont devant nous.
Pour faire un pas
en avant vers une Université de qualité, les urgences de l’heure sont selon
nous le recrutement d’enseignants-chercheurs accompagnant l’ouverture
des nouvelles filières (il y a trop de vacataires), et la formation des
futurs enseignants à l’ESPE.
Enfin, face aux réalités
que vivent de nombreux jeunes bacheliers (issus de lycées professionnels
notamment) en termes de rapport aux savoirs, de niveau scolaire, d’origine
sociale, nous insisterons sur la nécessité d’accompagnement de nos étudiants
vers la réussite. Nous sommes favorables à la création d’une année de
préparation aux études universitaires, pour éviter le décrochage massif en
Licence, et élever le niveau des diplômes délivrés.
· Faire de la diversité culturelle et du sport des facteurs d’intégration
sociale et du bien-vivre ensemble, par la mise en valeur des cultures des
peuples autochtones, à côté des autres cultures, afin de réduire le sentiment
d’exclusion et d’injustice qui peut mener à des fins tragiques.
Pour que ces
intentions partagées deviennent réalité, il nous semble que l’adaptation des
programmes est une nécessité absolue pour améliorer la réussite des élèves
et leur rapport aux savoirs scolaires. Il faut absolument valoriser et
enseigner les langues du pays, son histoire, sa géographie, sa littérature
ainsi que les activités utiles au développement du territoire. Le djokan devait
selon nous être progressivement introduit en EPS. De ce point de vue, les
réalités de l’enseignement chez nos voisins brésilien et surinamien pourraient
nous inspirer dans l’édification de l’école de Guyane.
De même, un
véritable rapprochement entre l’institution scolaire et les réalités guyanaises
impliquerait une adaptation des rythmes scolaires annuels : la
rentrée a lieu lors de la saison la plus chaude, la plus fatigante, mais aussi la plus propice
aux travaux publics (routes, constructions scolaires…), et agricoles (abattis).
Nous savons bien
que certaines des compétences nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures ne
sont pas encore dévolues à la collectivité territoriale. Pourtant, vous avez à
plusieurs reprises déclaré que vous étiez prêt à négocier avec l’Etat des
« accréditations » pour la CTG. Nous soutiendrons pour notre part
toutes les démarches visant à davantage adapter l’école à nos réalités,
comme le préconise la brochure "Quelle école pour les enfants de
Guyane" que nous avons coéditée et que nous vous remettons avec ce
courrier.
Pour
conclure
Nous allons
finir cette lettre, Monsieur le Président, avec un point de désaccord avec
votre programme, concernant les constructions scolaires. Vous prônez des
campus scolaires mêlant collège et lycée, et d’établissements de très grande
taille afin de réaliser des économies d’échelle.
Nous voudrions
vous dire tout le danger que nous, personnels d’éducation travaillant au
quotidien avec nos élèves, voyons dans ces conceptions. Le projet du lycée IV à
Saint-Laurent du Maroni est une usine à gaz, qui va créer des situations
absolument ingérables avec ses 1700 élèves. Puisque vous affirmez vouloir scolariser
les enfants au plus près des lieux de vie, il y a urgence à construire les
lycées de St-Georges et de Maripasoula, comme vous vous y étiez déjà
engagé… en 2009, avant votre élection à la tête de la Région.
Plus généralement,
le rééquilibrage du territoire et le développement du bassin de vie du Maroni
nécessite selon nous la création rapide d’une antenne des services du
Rectorat et de l’Inspection Académique à Maripasoula.
Vous comprendrez
en lisant cette lettre que nous sommes en attente d’engagements clairs de votre
part. Nous osons espérer que vous ne renverrez pas la balle vers le Rectorat
(qui fera de même de son côté), et que vous vous engagerez dans un dialogue
avec l’Etat afin de mettre en place un plan d’urgence, dûment financé, pour
l’éducation en Guyane. Nous avons jusqu’à présent écouté les promesses du Pacte
d’avenir, censé inclure 330 millions d’euros pour les constructions scolaires
mais qui est un véritable serpent de mer aux dires de tous les acteurs
économiques et sociaux.
Les 500 salles de
classes, les 10 lycées et les 20 collèges, la
restauration et les internats, les transports et l’accompagnement éducatif de
la nouvelle génération guyanaise peuvent paraître à certains un puits sans
fond. Nous y voyons pour notre part une nécessité face à la montée de la
violence chez nos jeunes, dans laquelle la collectivité a une responsabilité
directe quand on sait que chaque année un millier de collégiens ne trouvent pas
de place au lycée. Nous y voyons un enjeu de société.
Dans l’attente de
votre réponse, et dans l’espoir de pouvoir vous rencontrer avec les élus
délégués à l’éducation et à la jeunesse, nous vous prions d’agréer, Monsieur le
Président, nos salutations distinguées.
Le bureau du
STEG-UTG
Cayenne, le 25 février 2016
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