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vendredi 26 février 2016

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Rodolphe ALEXANDRE: 
Qu'allez-vous faire de notre jeunesse?





Monsieur le Président,

Nous avons pris connaissance de votre programme et en particulier les parties concernant la jeunesse et les questions scolaires, qui nous intéressent au premier chef en tant que Syndicat des travailleurs de l’éducation de Guyane.
Nous y avons trouvé des axes que nous ne pouvons que partager, comme tous les observateurs et acteurs de notre système éducatif. A présent que vous avez été élu à la tête de la CTG, collectivité concentrant de nombreuses prérogatives économiques, sociales, culturelles, éducatives, de formation, nous aimerions connaître les actions qui vont être menées, et vous soumettre nos propositions face à l’état d’urgence dans lequel se trouve notre jeunesse, et à travers elle, la Guyane dans son ensemble.
· Réintégrer nos jeunes en situation d’exclusion, pour leur redonner de l’espoir en l’avenir ; leur réapprendre les savoirs, le bien-vivre en société ; recréer du lien familial et social, les former, et leur donner un emploi afin qu’ils puissent s’épanouir et être fiers de leur réussite



C’est effectivement la base. Pourtant, cet espoir ne pourra se réaliser qu’à travers des politiques volontaristes favorisant la création d’emplois, ainsi qu’à travers des investissements importants dans le système éducatif. Qu’allez-vous faire contre le chômage de masse et le manque de qualifications qui plombe l’avenir d’une partie conséquente de la jeunesse ?
Pour sa part, le STEG-UTG s’est prononcé il y a quelques derniers mois en faveur d’un élargissement du service civique, permettant à tous les jeunes majeurs sans travail ni formation de s’inscrire dans une activité, de sortir de leur quartier ou commune et de participer à des chantiers, des activités utiles au développement du territoire. Ce dispositif reprendrait donc des caractéristiques du service national qui existait auparavant, mais sa mise en œuvre s’appuierait sur le tissu social, culturel et économique, sous le pilotage de la CTG.
Enfin, une mesure immédiate qui semble évidente à de nombreux acteurs de terrain, serait de faire respecter l’interdiction de vente d’alcool à proximité des établissements, ainsi d’ailleurs que les affichages publicitaires pour l’alcool.
· Renforcer les dispositifs de soutien scolaire, en partenariat avec les associations, le monde éducatif et le monde médical, afin d’accroître la réussite de nos enfants sur l’ensemble du territoire et prévenir de manière efficace et précoce le décrochage scolaire,
Effectivement. Les Vies scolaires ont été précarisées par des contrats de plus en plus courts et mal payés, alors qu’elles représentent un relais indispensable dans les établissements du secondaire. Elles permettent également à de nombreux jeunes adultes de se tourner vers les métiers de l’éducation,  mais le turn-over et l’absence de formation nuisent au service et empêche la constitution d’un vivier pour recruter les futurs enseignants guyanais.
Aussi le STEG-UTG est-il favorable à la création d’un corps de personnels de Vie scolaire et d’accompagnement éducatif, incluant les Intervenants en langue maternelle (ILM) dont le nombre devrait être fortement augmenté afin de donner véritablement leurs chances aux enfants des communes guyanaises.
Enfin, nous sommes favorables à une forte augmentation des personnels d’accompagnement : de trop nombreux établissements, accueillant des élèves en situation de précarité, ne bénéficient de la présence d’une infirmière, d’une assistante sociale ou d’une COPSY que quelques heures par semaine, voire moins dans le primaire.
· Faire de l’Université de Guyane un pôle d’excellence dans le bassin amazonien, en orientant l’université vers la mise en valeur de nos ressources naturelles et des ressources du 21ème siècle (numérique, e-technologie etc. ) et en accompagnant l’installation d’antennes de Grandes écoles françaises (Ecole des mines, Ecole Nationale du génie rural des eaux et des forêts, etc…)



L’excellence est un objectif louable. Il est également indispensable que l’Université soit pleinement insérée dans le tissu économique local pour répondre aux enjeux actuels de l’insertion professionnelle et préparer l’évolution de notre société au regard des défis internationaux qui sont devant nous.
Pour faire un pas en avant vers une Université de qualité, les urgences de l’heure sont selon nous le recrutement d’enseignants-chercheurs accompagnant l’ouverture des nouvelles filières (il y a trop de vacataires), et la formation des futurs enseignants à l’ESPE.
Enfin, face aux réalités que vivent de nombreux jeunes bacheliers (issus de lycées professionnels notamment) en termes de rapport aux savoirs, de niveau scolaire, d’origine sociale, nous insisterons sur la nécessité d’accompagnement de nos étudiants vers la réussite. Nous sommes favorables à la création d’une année de préparation aux études universitaires, pour éviter le décrochage massif en Licence, et élever le niveau des diplômes délivrés.
· Faire de la diversité culturelle et du sport des facteurs d’intégration sociale et du bien-vivre ensemble, par la mise en valeur des cultures des peuples autochtones, à côté des autres cultures, afin de réduire le sentiment d’exclusion et d’injustice qui peut mener à des fins tragiques.

Pour que ces intentions partagées deviennent réalité, il nous semble que l’adaptation des programmes est une nécessité absolue pour améliorer la réussite des élèves et leur rapport aux savoirs scolaires. Il faut absolument valoriser et enseigner les langues du pays, son histoire, sa géographie, sa littérature ainsi que les activités utiles au développement du territoire. Le djokan devait selon nous être progressivement introduit en EPS. De ce point de vue, les réalités de l’enseignement chez nos voisins brésilien et surinamien pourraient nous inspirer dans l’édification de l’école de Guyane.
De même, un véritable rapprochement entre l’institution scolaire et les réalités guyanaises impliquerait une adaptation des rythmes scolaires annuels : la rentrée a lieu lors de la saison la plus chaude, la  plus fatigante, mais aussi la plus propice aux travaux publics (routes, constructions scolaires…), et agricoles (abattis).
Nous savons bien que certaines des compétences nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures ne sont pas encore dévolues à la collectivité territoriale. Pourtant, vous avez à plusieurs reprises déclaré que vous étiez prêt à négocier avec l’Etat des « accréditations » pour la CTG. Nous soutiendrons pour notre part toutes les démarches visant à davantage adapter l’école à nos réalités, comme le préconise la brochure "Quelle école pour les enfants de Guyane" que nous avons coéditée et que nous vous remettons avec ce courrier.

Pour conclure
 Nous allons finir cette lettre, Monsieur le Président, avec un point de désaccord avec votre programme, concernant les constructions scolaires. Vous prônez des campus scolaires mêlant collège et lycée, et d’établissements de très grande taille afin de réaliser des économies d’échelle.
Nous voudrions vous dire tout le danger que nous, personnels d’éducation travaillant au quotidien avec nos élèves, voyons dans ces conceptions. Le projet du lycée IV à Saint-Laurent du Maroni est une usine à gaz, qui va créer des situations absolument ingérables avec ses 1700 élèves. Puisque vous affirmez vouloir scolariser les enfants au plus près des lieux de vie, il y a urgence à construire les lycées de St-Georges et de Maripasoula, comme vous vous y étiez déjà engagé… en 2009, avant votre élection à la tête de la Région.
Plus généralement, le rééquilibrage du territoire et le développement du bassin de vie du Maroni nécessite selon nous la création rapide d’une antenne des services du Rectorat et de l’Inspection Académique à Maripasoula.


Vous comprendrez en lisant cette lettre que nous sommes en attente d’engagements clairs de votre part. Nous osons espérer que vous ne renverrez pas la balle vers le Rectorat (qui fera de même de son côté), et que vous vous engagerez dans un dialogue avec l’Etat afin de mettre en place un plan d’urgence, dûment financé, pour l’éducation en Guyane. Nous avons jusqu’à présent écouté les promesses du Pacte d’avenir, censé inclure 330 millions d’euros pour les constructions scolaires mais qui est un véritable serpent de mer aux dires de tous les acteurs économiques et sociaux.
Les 500 salles de classes, les 10 lycées et les 20 collèges, la restauration et les internats, les transports et l’accompagnement éducatif de la nouvelle génération guyanaise peuvent paraître à certains un puits sans fond. Nous y voyons pour notre part une nécessité face à la montée de la violence chez nos jeunes, dans laquelle la collectivité a une responsabilité directe quand on sait que chaque année un millier de collégiens ne trouvent pas de place au lycée. Nous y voyons un enjeu de société.
Dans l’attente de votre réponse, et dans l’espoir de pouvoir vous rencontrer avec les élus délégués à l’éducation et à la jeunesse, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, nos salutations distinguées.



Le bureau du STEG-UTG

Cayenne, le 25 février 2016


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